Digulleville est une ancienne commune française, située dans le département de la Manche en région Normandie, à l'ouest de Cherbourg-en-Cotentin, peuplée de 245 habitants[Note 1].
Digulleville
Sémaphore de Jardeheu, sur la pointe de Jardeheu, racheté par la commune en 2005.
Située sur la pointe de la Hague, la commune est constituée d'un «village-rue» (la rue Désert) et de hameaux dispersés.
Le territoire est borné par le havre de Plainvic que baigne la Manche, les communes d'Omonville-la-Petite à l'ouest, avec le lit de la rivière Sainte-Hélène, d'Omonville-la-Rogue à l'est, et d'Herqueville et Beaumont-Hague au sud, sur les hauteurs de Raumarais.
Toponymie
Le nom de la localité est attesté sous les formes Digulevilla en 1163, Deguleville, Digulvilla vers 1175, Deguillevilla vers 1200, Digoillevilla en 1203[1].
Il s'agit d'une formation médiévale tardive en -ville (élément issu du gallo-roman VILLA «domaine rural», lui-même du latinvilla rustica «grand domaine rural»), précédé du nom de personne Decuil d’origine gaélique[1],[2]. Littéralement, «la ferme, le domaine rural de Decuil»[1],[3], ou «de Dicuil»[4].
Le gentilé est Digullevillais.
Histoire
Les premières occupations sur le territoire de la commune sont très anciennes. Plusieurs foyers de combustion en forme de fosse à pierres chauffées datant de 4700 ans av. J.-C. ont été découverts près de Jardeheu[5]. Raumarais, où se tient désormais l'usine de retraitement de la Hague et l'Andra, abritait également deux sites datant du début du Mésolithique moyen (foyer en cuvette, poterie, petits grattoirs de silex…), probable station d'habitat saisonnier lors des campagnes de chasse ou de pêche[6].
Au XIXesiècle ont été recensés dix tumuli de l'âge du bronze sur le territoire (neuf au hameau des Asselins et dans les Monts, une aux Sablons), mais des recherches plus récentes ont permis d'en écarter sept comme étant des formations rocheuses naturelles. De l'âge de bronze date également le Hague-Dick, qui longe une partie de la commune, même s'il a pu être réemployé plus tardivement. Des fouilles dans l'anse de la Gravette enfin ont révélé des foyers importants de l'âge du fer[7] et la découverte de pièces de bronze témoignent d'une implantation celtique antérieure à la Guerre des Gaules. La légende d'Équinandra (voir ci-dessous), druidesse unelle[Note 2], liée au rocher d'Esquina[Note 3] dans la baie d'Écuty, évoque le souvenir de cette époque. Un village gallo-romain aurait été installé près de Plainvic. Certains auteurs[8] font de Digulleville le centre de Coriallo, cité des Unelles mentionnée dans l'Itinéraire d'Antonin. En effet, en l'absence de traces, Coriallo pourrait être, non pas une ville mais plusieurs hameaux couvrant la pointe de la Hague, protégés par la Hague-Dick, entre Éculleville et Omonville-la-Petite ce que conteste l'historien Robert Lerouvillois[9].
Au Moyen Âge, le territoire de la paroisse, partagé entre les fiefs nobles de Fontenay et de Mélinde, acquis par les Jallot au XVIe et XVIIesiècles, est parsemé de plusieurs fermes-manoirs, propriétés des nobles des environs. Le manoir d'Ouville appartient aux comtes d'Aigneaux, la Chesnaye et Rantot à la famille Jallot, seigneurs et comtes de Beaumont. Leur frère, le chevalier de Rantot, corsaire et contrebandier, fait construire la ferme de la Basmonterie comme repaire. Le manoir des Gruberts est propriété de la famille du Bosq, dont un membre, Nicolas du Bosq, seigneur des Gruberts, fut général de Louis XIV.
L'église, dédiée à Paterne, évêque d'Avranches, avait pour patron le prieur de Vauville, qui percevait les deux tiers des produits, à l'exception des menues offrandes, le troisième tiers allant au curé[10].
Le plateau du Haut-Marais accueille au XVIIIesiècle un village de tisserands, confectionnant du droguet.
En janvier 1915, alors que les phares sont éteints à cause de la guerre, l’Astrée s'échoue sur les rochers de la Coque.
En 2005, la commune accueille le tournage du film Le Passager de l'été de Florence Moncorgé-Gabin.
Le conseil municipal était composé de onze membres dont le maire et trois adjoints[13].
Tendances politiques et résultats
Si la vie politique municipale est stable, avec le même maire depuis 1971, les scores du Front national ont explosé dans les scrutins, passant de 2,88% aux européennes de 2009, à 30,08% aux départementales de 2015[14].
Population et société
Démographie
L'évolution du nombre d'habitants est connue à travers les recensements de la population effectués dans la commune depuis 1793. À partir du , les populations légales des communes sont publiées annuellement dans le cadre d'un recensement qui repose désormais sur une collecte d'information annuelle, concernant successivement tous les territoires communaux au cours d'une période de cinq ans.
Pour les communes de moins de 10 000 habitants, une enquête de recensement portant sur toute la population est réalisée tous les cinq ans, les populations légales des années intermédiaires étant quant à elles estimées par interpolation ou extrapolation[15]. Pour la commune, le premier recensement exhaustif entrant dans le cadre du nouveau dispositif a été réalisé en 2006[16],[Note 4].
En 2018, la commune comptait 245habitants, en diminution de −16,38% par rapport à 2013 (Manche: 0,44%, France hors Mayotte: 2,49%).
Digulleville a compté jusqu'à 781 habitants en 1831.
Évolution de la population [modifier]
1793
1800
1806
1821
1831
1836
1841
1846
1851
656
725
727
755
781
726
706
609
600
Évolution de la population [modifier], suite (1)
1856
1861
1866
1872
1876
1881
1886
1891
1896
532
548
564
532
515
436
432
418
402
Évolution de la population [modifier], suite (2)
1901
1906
1911
1921
1926
1931
1936
1946
1954
361
380
341
269
259
241
237
237
210
Évolution de la population [modifier], suite (3)
1962
1968
1975
1982
1990
1999
2006
2011
2016
194
179
173
185
230
248
297
287
281
Évolution de la population [modifier], suite (4)
2018
-
-
-
-
-
-
-
-
245
-
-
-
-
-
-
-
-
De 1962 à 1999: population sans doubles comptes; pour les dates suivantes: population municipale. (Sources: Ldh/EHESS/Cassini jusqu'en 1999[17] puis Insee à partir de 2006[18].)
Histogramme de l'évolution démographique
Cultes
Le territoire communal est rattaché à la paroisse catholique du Bienheureux Thomas Hélye de la Hague, au sein du doyenné de Cherbourg-Hague[19]. L'unique lieu de culte est l'église Saint-Paterne, qui accueille une messe à l'occasion de la fête patronale, la Saint-Paterne, traditionnellement célébrée deux semaines après Pâques.
Le saint patron traditionnel de la commune est Paterne d'Avranches.
Activité, manifestations, label
La commune est un village fleuri (deux fleurs) au concours des villes et villages fleuris[20].
Économie
Digulleville a bénéficié des retombées de taxe professionnelle dues à l'implantation sur sa zone industrielle, de nombreuses entreprises sous-traitantes de l'usine de retraitement de la Hague, ainsi qu'à l'extension de l'usine d'Areva (UP3) en 1991, et plus accessoirement au centre de stockage de la Manche de l'Andra.
La zone industrielle est gérée par la Chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg-Cotentin. Une trentaine d'entreprises y sont présentes[21].
Culture locale et patrimoine
Lieux et monuments
Grands corps de fermes et demeures seigneuriales: manoirs du Boscq (XVIIe – XVIIIesiècle) et de Douville (XVIIesiècle), fermes-manoirs de Rantôt(XVIIesiècle), du Grand-Bel (XVIIIesiècle), de la Chesnaye (XVIIe – XVIIIesiècle), de la Basmonterie (XVIIIesiècle), de Bel Mignot (XVIIesiècle), du Pont Durand (XVIIesiècle) et de la Haizette (XVIesiècle) avec deux tourelles carrées d'escalier sur la façade nord.
Église Saint-Pair ou Paterne: édifice roman du XIIesiècle, elle a longtemps caché derrière ses plâtres un retable en trompe-l'œil (ou «retable des pauvres»), peint en 1785, redécouvert au hasard d'une restauration deux siècles plus tard. À l'époque, les finances ne permettaient pas de vrais marbres et sculptures que l'on a donc peints à même le mur. Vers 1830, on cache les peintures avec un vrai retable en bois, puis en marbre. Il a été restauré en 1985.
Sémaphore de Jardeheu, sur la pointe du même nom, datant de 1860 et désarmé en 1984. Racheté par la commune, il a été aménagé en gîte.
Le Hague-Dick, ouvrage fortifié barrant la pointe de la Hague, inscrit au titre des monuments historiques le [22].
La cascade de la Brasserie issue du ruisseau de Sainte-Hélène qui alimente en eau le hameau de la Brasserie situé au sud de la commune.
Nicolas du Bosq, sieur des Gruberts, né en 1638 à Digulleville, général de brigade des mousquetaires noirs, mort le 11 septembre 1709, emporté par un boulet lors de la bataille de Malplaquet.
Nicolas de Lesdo de la Rivière, seigneur de Digulleville, capitaine au régime de Normandie dès 1675, major du régiment de Normandie à partir de janvier 1690, reçu chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis le 3 mars 1700, inspecteur-général de l'infanterie pour la Normandie en juin 1702, puis brigadier en 1703. Il refusa, en 1701, de quitter ce régiment de Normandie, où il servait depuis trente-cinq ans, pour remplacer Guiscard à l'ambassade de Stockholm, et fut chargé en 1702 de discipliner les milices de Normandie. Il mourut le 26 octobre 1715[23].
Henri Robert Jallot de Beaumont (vers 1654-1720), dit Chevalier de Rantôt (du nom d'une ferme manoir de Digulleville occupée par Pierre, son frère), seigneur de Saint-Martin (Omonville-la-Petite), corsaire et fraudeur de la fin du XVIIesiècle, qui habitait la ferme de la Basmonterie.
Bon Prosper Lepesqueur (1846 à Digulleville - 1921), de son vrai nom Polidor. Dessinateur de la Marine à Cherbourg, il devient chroniqueur en langue normande dans Le Phare de la Manche. Il est l'auteur de nombreuses chansons en normand, dont Le Cordounyi, La Batterie de Serasin, Le Chendryi, La Parcie, Le Fisset… Il signait aussi P. Lepesqueux, Bounin Polidor ou P. Lecacheux.
Le rocher d'Esquina, en forme de lion, qui vieille sur l'emplacement légendaire du tombeau.
En , les légions romaines envahissent le Cotentin. Malgré la résistance des Unelles, les troupes de Jules César avancent, et les Gaulois, retranchés dans la Hague décident de sacrifier, par la main de la jeune druidesse Équinandra, le plus jeune enfant de la tribu, celui de leur chef, Viridovix. Mais ce sacrifice est vain, ils subissent une nouvelle défaite. Viridorix furieux d'avoir perdu la bataille finale et son enfant, se venge sur Clodomir[Note 5], époux de la prêtresse, blessé durant les combats, en le faisant agoniser toute une nuit sous les yeux d'Équinandra, par l'administration de feuilles vénéneuses sur les blessures.
Au petit matin, désespérée par la douloureuse mort de son époux, Équinandra demande à son père, le druide Vindulos, de l'enterrer vivante auprès de celui qu'elle aimait, au bout de la baie d'Écuty. Le rocher qui deviendra maritime par l'érosion des vagues, Esquina, garde depuis la trace dans son nom.
Sources
«Digulleville», Bulletin municipal n°1, janvier 1988.
Le nom Équinandra est problématique, si on peut reconnaître dans l'élément -andra, un hypothétique gaulois *andera «femme» cf. vieil irlandais ander «femme» (voir Xavier Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise, Errance, Paris, 2003, p. 47), l'élément Équin- est plus obscur, mais rappelle l'élément Equo- dans le type Equoranda limite territoriale, d'étymologie incertaine. En fin de compte cet anthroponyme semble avoir été fabriqué pour la circonstance
Ce nom est difficilement compatible avec une origine gauloise (maintien du Q-) et absence de cognat dans les langues celtiques, en revanche, on peut y reconnaître la racine pangermanique skin- «briller». Le rapprochement avec Équinandra est certainement dû à une vague ressemblance phonétique
Par convention dans Wikipédia, le principe a été retenu de n’afficher dans le tableau des recensements et le graphique, pour les populations légales postérieures à 1999, que les populations correspondant à une enquête exhaustive de recensement pour les communes de moins de 10 000 habitants, et que les populations des années 2006, 2011, 2016,etc. pour les communes de plus de 10 000 habitants, ainsi que la dernière population légale publiée par l’Insee pour l'ensemble des communes.
Le nom Clodomir est anachronique, puisqu'il s'agit d'un nom franc, notamment porté par un fils de Clovis 1er, nommé Clodomir
François de Beaurepaire (préf.Yves Nédélec), Les Noms des communes et anciennes paroisses de la Manche, Paris, A. et J. Picard, , 253p. (ISBN2-7084-0299-4, OCLC15314425), p.110
René Lepelley, Dictionnaire étymologique des noms de communes de Normandie, Condé-sur-Noireau, Éd. Charles Corlet, (ISBN2-95480-455-4 (édité erroné), BNF36174448), p.110.
Vikland, la revue du Cotentin — La Hague, Corsaires et contrebandiers, Flamanville, Digulleville, Éditions Heimdal, no32, Février-mars-avril 2020, p.29.
Vikland no32, op. cit., p.1.
«Un foyer du Néolithique a été mis au jour», La Presse de la Manche, 4 août 2008.
Cyril Marcigny et Emmanuel Ghesquière, Archéologie, histoire et anthropologie de la presqu'île de la Hague (Manche): analyse sur la longue durée d'un espace naturel et social cohérent, Communauté de communes de la Hague, 2005.
Sources: Mémoires de Saint-Simon: nouvelle édition collationnée sur le manuscrit autographe, augmentée des additions de Saint-Simon au Journal de Dangeau, Hachette, 1879-1928 (p 114) et Recueil de tous les membres composant l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, depuis l'année 1693, époque de sa fondation de Jean-François-Louis comte d'Hozier, Au bureau général du Bon Français, etc. (Paris), 1817-1818 (p 223)
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