Trémargat [tʁemaʁgat] est une commune française située dans le département des Côtes-d'Armor, en région Bretagne.
Trémargat se trouvait historiquement en Cornouaille, dans le Pays Fañch.
Saint-Nicodème | Peumerit-Quintin | |
Kergrist-Moëlou | ![]() |
Lanrivain |
Plounévez-Quintin |
Située à 13 kilomètres de Rostrenen, au cœur du Kreiz Breizh, Trémargat est une commune qui connaît aujourd'hui un développement original basé sur des dynamiques écologiques.
De Duault à Corlay en passant par Trémargat et Saint-Nicolas-du-Pélem, sur plus de 30 km, un massif granitique correspondant à la partie ouest du batholite de Quintin, domine, atteignant 290 mètres, les collines schisteuses de la partie orientale du bassin de Châteaulin situées à son sud.
Les altitudes sont comprises entre 282 mètres pour le point le plus élevé (près de Quinquis-Auffret, dans la partie sud du finage communal) et 178 mètres pour les points les plus bas (à la fois dans la vallée du ruisseau de Belle Chasse et à la confluence du Blavet et du ruisseau de Saint-Georges, aux endroits où ces cours d'eau quittent le territoire communal). Le bourg, en position relativement centrale dans la commune, est à 267 mètres d'altitude.
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La commune est arrosée par le Blavet, dont le cours matérialise à l'est la limite avec Lanrivain. Le Blavet s'enfonce dans de profondes gorges dont les versants sont couverts de bruyères et d'ajoncs touffus et disparait complètement sur quelques centaines de mètres sous un amoncellement de roches granitiques formant un chaos, les gorges de Toul-Goulic. La commune est arrosée par des cours d'eau de taille plus modeste : le ruisseau de Belle Chasse, qui marque la limite avec Kergrist-Moëlou à l'ouest, et le ruisseau Saint-Georges. Ce sont des affluents de rive droite du Blavet.
Le barrage de Kerne-Uhel, sur la partie amont du Blavet, est à cheval sur les communes de Trémargat et Lanrivain. Construit par le département des Côtes-d'Armor à partir de 1979, il a été mis en eau en 1981, dans le but principal de produite de l'eau potable grâce à l'usine du "Syndicat Mixte Kerne Uhel" située juste en aval du barrage ; celui-ci, haut de 12 mètres et long de 120 mètres,a créé un lac de retenue de 74 hectares, entouré d'un périmètre de protection de 117 hectares, en bonne partie reboisé d'espèces feuillues[1]. Le lac de retenue de Kerné-Uhel est à cheval sur les trois communes de Trémargat, Lanrivain et Peumerit-Quintin.
Le site abrite de nombreuses espèces sauvages comme la poule d'eau, le ragondin, le grèbe huppé, le héron cendré, le martin-pêcheur, la libellule déprimée, etc.. Réputé pour la pêche (classé en 2e catégorie), le lac, est peuplé de gardons, carpes et de carnassiers (brochets, sandres et perches)[2] ; son annexe l'Anse du Rocleu, est dédiée à la pêche au brochet[3]. La navigation sur le lac est autorisée pour les bateaux à voile, à rames ou à moteur électrique (interdite pour les moteur thermiques). Une base de loisirs, aménagée pour la pratique de la voile et du canoë-kayak, est située en amont du barrage, côté Trémargat-Peumerit-Quintin dans l'anse de Pen-ar-C'hoat. Un sentier de randonnée pour piétons et VTT, long de 12 km, fait le tour du lac ; un autre, long de 3 km, fait le tour de l'Anse du Rocleu[1].
La forêt départementale de Kerne-Uhel est une forêt plantée dans la décennie 1980 ; le site est parsemé de chaos de granit en boules et de talus boisés portant de vieux arbres aux formes torturées qui préexistaient. Cette forêt est incluse dans le périmètre du site Natura 2000 "Tête de bassin versant du Blavet et de l'Hyères"[4], créé en 2007, et présente une diversité d'habitats naturels remarquables et des espèces à forte valeur patrimoniale comme la loutre d'Europe ou la mulette perlière, deux espèces d'intérêt communautaire[5].
Le climat qui caractérise la commune est qualifié, en 2010, de « climat océanique franc », selon la typologie des climats de la France qui compte alors huit grands types de climats en métropole[6]. En 2020, la commune ressort du type « climat océanique » dans la classification établie par Météo-France, qui ne compte désormais, en première approche, que cinq grands types de climats en métropole. Ce type de climat se traduit par des températures douces et une pluviométrie relativement abondante (en liaison avec les perturbations venant de l'Atlantique), répartie tout au long de l'année avec un léger maximum d'octobre à février[7].
Les paramètres climatiques qui ont permis d’établir la typologie de 2010 comportent six variables pour les températures et huit pour les précipitations, dont les valeurs correspondent à la normale 1971-2000[Note 1]. Les sept principales variables caractérisant la commune sont présentées dans l'encadré ci-après.
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Avec le changement climatique, ces variables ont évolué. Une étude réalisée en 2014 par la Direction générale de l'Énergie et du Climat[10] complétée par des études régionales[11] prévoit en effet que la température moyenne devrait croître et la pluviométrie moyenne baisser, avec toutefois de fortes variations régionales. Ces changements peuvent être constatés sur la station météorologique de Météo-France la plus proche, « Kerpert », sur la commune de Kerpert, mise en service en 1987[12] et qui se trouve à 11 km à vol d'oiseau[13],[Note 4], où la température moyenne annuelle est de 10,7 °C et la hauteur de précipitations de 1 130,6 mm pour la période 1981-2010[14]. Sur la station météorologique historique la plus proche[Note 5], « Saint-Brieuc », sur la commune de Trémuson, mise en service en 1985 et à 37 km[15], la température moyenne annuelle évolue de 11 °C pour la période 1971-2000[16] à 11,2 °C pour 1981-2010[17], puis à 11,4 °C pour 1991-2020[18].
Trémargat est une commune rurale, car elle fait partie des communes peu ou très peu denses, au sens de la grille communale de densité de l'Insee[Note 6],[19],[20],[21]. La commune est en outre hors attraction des villes[22],[23].
Le tableau ci-dessous présente l'occupation des sols de la commune en 2018, telle qu'elle ressort de la base de données européenne d’occupation biophysique des sols Corine Land Cover (CLC).
Type d’occupation | Pourcentage | Superficie (en hectares) |
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Terres arables hors périmètres d'irrigation | 4,1 % | 57 |
Prairies et autres surfaces toujours en herbe | 23,3 % | 323 |
Systèmes culturaux et parcellaires complexes | 29,2 % | 405 |
Surfaces essentiellement agricoles interrompues par des espaces naturels importants | 14,3 % | 198 |
Forêts de feuillus | 26,3 % | 366 |
Forêts de conifères | 0,5 % | 6,5 |
Forêts mélangées | 2,4 % | 33,5 |
Source : Corine Land Cover[24] |
Le nom de la localité est attesté sous les formes Tremargat en 1306 [25], Treffve de Tremelgat en 1535 et en 1536[26]. Tremargad en breton[25].
Trémargat possède des traces d’occupation humaine ancienne : des menhirs, une enceinte fortifiée (le Camp protohistorique de Toul-Goulic), près de Porsporel, et des monnaies romaines de Constantin le Grand. La voie romaine de Vorgium à Corseul passait par Trémargat.
Pierre Caërou fut curé de Trémargat entre 1782 et 1792, date à partir de laquelle, prêtre réfractaire il dut se cacher, changeant d'asile toutes les nuits, pour continuer à exercer clandestinement son ministère ; il fut prit un jour, alors qu'il se trouvait dans le village de Boisjoly, par des soldats républicains et fusillé dans la forêt de Lorge. Son corps fut retrouvé par sa nièce et inhumé dans le cimetière de Plounévez-Quintin[27].
Trémargat était initialement une trève de la paroisse de Plounévez-Quintin et dépendait jadis de l'évêché de Quimper, de la subdélégation de Quimper et du siège royal de Carhaix. Trémargat devient paroisse par l'ordonnance royale du et commune indépendante, séparée de Plounévez-Quintin, par un décret en date du [28].
Joachim Gaultier du Mottay a décrit ainsi Trémargat en 1862 : « Territoire élevé, très accidenté, peu boisé, mais couvert d'un certain nombre de pommiers. Les terres sont assez bonnes. Les prés sont productifs, mais les landes qui composent le tiers environ de la commune sont de médiocre qualité ». L'auteur précise aussi que Trémargat est sans école, qu'on y parle le breton et que le sous-sol est granitique[29].
Le monument aux morts de Trémargat porte les noms de 31 soldats morts pour la France pendant la Première Guerre mondiale dont un, Louis Le Fell[30], en Grèce alors qu'il était membre de l'Armée française d'Orient[31].
Pierre Guégan, né en 1886 à Trémargat, soldat au 2e régiment d'infanterie, fut fusillé pour l'exemple le à Méharicourt (Somme)[32].
L'avocat Louis Turmel (1866-1919), député-maire de Loudéac, impliqué en 1917 dans une célèbre affaire d'espionnage, est né à Trémargat.
Des carrières de granit ont été exploitées pour l'empierrement des routes, mais aussi pour la construction de maisons.
Le monument aux morts de Trémargat porte les noms de trois personnes mortes pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale[31].
Le maquis Tito se développa à partir du printemps 1943 dans le quadrilatère Trémargat, Lanrivain, Peumerit-Quintin, Saint-Nicolas-du-Pélem, sous le commandement de Louis Pichouron, alias « commandant Alain »[33].
Territoire aux terres pauvres et pendant longtemps en forte déprise démographique (690 habitants en 1935, 243 habitants en 1968, 152 en 1990) la commune a vu progressivement s'installer des néo-ruraux - parfois initialement qualifiés de « hippies » - motivés dès les années 1960 par la terre et les logements à bon marché, puis peu à peu intéressés aux enjeux écologiques[34].
Alors que les campagnes du Centre-Bretagne se vidaient, une poignée de jeunes couples inspirés par une idéologie soixante-huitarde décident de s'y installer, alors que la commune était considérée dans la décennie 1970 comme « pauvre et incultivable »[35]. « On nous disait: "Malheureux que vous êtes, vous allez crever de faim, la terre est mauvaise, en pente avec des cailloux". On a pris ça comme un défi » dit François Salliou, futur maire de Trémargat. Ce fut le début du renouveau de la commune[36].
La commune au début du XXIe siècle se caractérise surtout par des dynamiques dites durables assez remarquables : réseau des chemins, souci environnemental (la commune a échappé au remembrement), forte présence de l'agriculture biologique, entretien paysager, etc[37].
Le , l'église paroissiale Saint-Gildas rouvre après avoir été fermée pendant douze ans ; les travaux de restauration ont coûté 250 000 euros[38].
Dans cette commune de moins de 200 habitants, on ne compte pas moins de 16 associations et 33 entreprises d'agriculteurs, potier, ébéniste, fleuriste, infirmiers, coutelier, , etc.[36]
En 2022, Trémargat compte 14 exploitations agricoles, la plupart fonctionnant en bio et (ou) en circuit court ; les agriculteurs locaux sont proches d'Accueil paysan et de la Confédération paysanne. Le maire, François Saliou, déclare : « Les gens se sont installés ici parce que les terres n'étaient pas très chères ». Une association, la Pépie, gère l'épicerie et un gîte ; le café a été racheté par la commune et fonctionne avec une quinzaine de bénévoles qui aident deux personnes travaillant à mi-temps ; une machine à laver et un sèche-linge sont à la disposition des habitants. Le réaménagement du bourg s'est effectué quasi bénévolement, lors de chantiers collectifs.
Les terres pauvres de Trémargat constituent « l’un des milieux les plus hostiles de Bretagne. Dans ces conditions particulièrement dures, il fallait qu’ils inventent un modèle pour pouvoir rester. Cela les entraîne plus loin qu’ils ne le pensaient. Ils gagnent moins d’argent qu’ailleurs mais ont moins de dettes et plus de pouvoir » a expliqué Jean-Jacques Monnier[39].
Depuis 1989, la tradition locale veut que le maire ne puisse faire qu'un mandat, afin que les responsabilités soient tournantes. Une base nautique a été aménagée sur la rive du lac de Kerne-Uhel. Par contre, le faible nombre des habitants explique l'absence d'école dans la commune, la vingtaine d'enfants étant scolarisés dans les communes voisines de Lanrivain ou Kergrist-Moëlou[40].
Période | Identité | Étiquette | Qualité | |
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Les données manquantes sont à compléter. | ||||
1852 | 1855 | Joseph Loison[Note 7] | Agriculteur au bourg. Premier maire de la commune. | |
1855 | Guillaume Le Brun[Note 8] | Cultivateur. | ||
avant 1894 | après 1894 | Noël Le Cam[Note 9] | Meunier. | |
juin 1995 | mars 2001 | Éric Hamon | ||
mars 2001 | mars 2008 | Vincent Munin | ||
mars 2008 | mars 2014 | Éric Bréhin | Enseignant | |
mars 2014 | 28 mai 2020 | Yvette Clément | DVG | Agricultrice |
28 mai 2020 | En cours | François Salliou[41] |
Au niveau local, la gouvernance fait intervenir tous les citoyens qui le souhaitent et le mandat de maire est unique, l'unique liste changeant de tête à chaque élection[34].
Le contexte particulier se traduit lors des élections nationales par des scores très importants en faveur des candidats de la gauche. Ainsi, Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon finissent en tête du premier tour de l'élection présidentielle de 2012 avec respectivement 29,03 % et 27,42 % des suffrages exprimés, soit nettement plus que leurs résultats nationaux. Au premier tour de l'élection présidentielle de 2017, Jean-Luc Mélenchon obtient 61,54 % des suffrages et Benoît Hamon, deuxième, obtient 14,69 %. Aux élections européennes de 2019, les 2 listes écologistes totalisent 42 % des suffrages exprimés.
Lors du premier tour de l'élection présidentielle le , Trémargat est la commune de la région Bretagne qui a donné le plus fort pourcentage de voix en faveur du candidat de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon, celui-ci arrivant en tête avec 64,44 % des voix[40].
L'évolution du nombre d'habitants est connue à travers les recensements de la population effectués dans la commune depuis 1856. À partir de 2006, les populations légales des communes sont publiées annuellement par l'Insee. Le recensement repose désormais sur une collecte d'information annuelle, concernant successivement tous les territoires communaux au cours d'une période de cinq ans. Pour les communes de moins de 10 000 habitants, une enquête de recensement portant sur toute la population est réalisée tous les cinq ans, les populations légales des années intermédiaires étant quant à elles estimées par interpolation ou extrapolation[42]. Pour la commune, le premier recensement exhaustif entrant dans le cadre du nouveau dispositif a été réalisé en 2008[43].
En 2019, la commune comptait 187 habitants[Note 10], en diminution de 3,11 % par rapport à 2013 (Côtes-d'Armor : +0,59 %, France hors Mayotte : +2,17 %).
1856 | 1861 | 1872 | 1876 | 1881 | 1886 | 1891 | 1896 | 1901 |
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626 | 593 | 556 | 612 | 598 | 558 | 566 | 553 | 611 |
1906 | 1911 | 1921 | 1926 | 1931 | 1936 | 1946 | 1954 | 1962 |
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602 | 614 | 546 | 540 | 486 | 436 | 398 | 301 | 269 |
1968 | 1975 | 1982 | 1990 | 1999 | 2006 | 2008 | 2013 | 2018 |
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243 | 199 | 187 | 152 | 171 | 167 | 168 | 193 | 190 |
2019 | - | - | - | - | - | - | - | - |
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187 | - | - | - | - | - | - | - | - |
Ainsi, quoique rurale, la commune est très jeune[34] (34 ans de moyenne d'âge) et connaît un timide renouveau (171 habitants en 1999).
En 2017, Trémargat était, selon l'INSEE, la commune de Bretagne où les retraités avaient le plus faible revenu imposable (12 804 euros).
En , Trémargat est la première commune française alimentée en électricité d'origine 100 % renouvelable délivrée par Enercoop[34]. La commune fait partie des rares communes de moins de 200 habitants à s'être dotée d'un plan local d'urbanisme (PLU) pour gérer son développement[34].
Le ouvre une épicerie associative installée dans une extension du « Trémargad café », géré par une association depuis 2008[34]. Il s'agit d'une épicerie paysanne de proximité offrant des produits locaux de qualité issus de pratiques agricoles respectueuses de l'environnement. Lieu de rencontre et d'échanges entre les habitants et les visiteurs, l'association est animée par huit bénévoles et propose des produits à prix coûtant[34]. La commune investie dans ce projet 50 000 € sur les 120 000 € du projet[46].
La société civile immobilière (SCI) de Trémargat est créée en 2013 afin de garder la commune vivante et d'installer de nouveaux agriculteurs. La SCI permet d'éviter la spéculation foncière d'agriculteurs ou de chasseurs intéressés par la seule possession de la terre. La sélection de l'exploitant par la SCI et la redistribution de la terre acquise se font dans l'optique d'éviter la disparition d'une exploitation, que la production agricole ou maraîchère soit réelle, que les méthodes de culture respectent l'environnement (l'agriculture doit être durable, à l’herbe, sans intrant), qu'il n'y ait pas de volonté de s'étendre au détriment de ses voisins. La commune accorde une subvention conséquente pour permettre le démarrage de la SCI et permettre l'installation d'un premier couple d'éleveurs[34]. En 2015, une relance de la souscription de parts est activée afin de permettre l'acquisition de nouvelles terres pour l'installation d'un couple de maraîchers et l'agrandissement de la ferme du paysan-boulanger.